« Estrella, je suis ton père, pas ton frère. » Le silence s’était installé dans la pièce alors que Leandro s’était décidé à couper tout le monde dans leurs discussions, signalant qu’il avait quelque chose d’important à dire. Personne ne se doutait de ce qui allait sortir de ses lèvres. Il avait toujours été imprévisible. Estrella lui faisait face, il ne la lâchait plus du regard, attendant qu’elle réagisse. Mais comment réagir ? Est-ce que c’était une blague ? Il avait toujours été blagueur et taquin avec elle. Comme un grand-frère. Elle se souvenait de son enfance, des moments passés à jouer avec lui, elle se souvenait de l’avoir toujours considéré comme son frère puisque c’était ce qu’il était et c’était leur père qu’elle appelait papa. Elle esquissa un sourire, plus nerveux qu’autre chose avant de regarder autour d’elle. Personne ne riait. Le silence dans la pièce était tendu, angoissant même. Comme dans un besoin de réconfort, elle posa son regard sur sa mère. Elle avait la main devant la bouche, un air choqué sur le visage. Sa mère ? Elle reposa le regard sur Leandro. Son père ? Qui était qui ? Elle ne savait plus. Si c’était une blague en plus de ne pas être drôle, personne ne semblait vouloir y mettre du sien. « Qu’est-ce que ça veut dire ? » Si c’était vrai, c’était son monde qui était en train de s’effriter, de tomber en miettes, petit à petit et bientôt, il n’en resterait plus que des cendres. « Ils t’ont menti, je suis désolé … » Il porta délicatement sa main sur son épaule avec la volonté de la rassurer, mais d’un geste brusque elle retira sa main avant de reculer d’un pas. « Et toi, qu’est-ce que tu as fais alors ? » De toute évidence, si on lui avait menti, il avait menti aussi. En vingt-quatre ans, il avait largement eu le temps de lui dire la vérité. Toute sa vie était basée sur des mensonges. Elle tombait de haut là, si bien qu’elle avait l’impression qu’elle ne serait pas capable de se relever. « Je voulais te dire la vérité mais … » Elle arqua un sourcil avant de croiser les bras sur sa poitrine. « Mais quoi ? C’était plus simple pour toi comme ça hein ? Tu as pu profiter de ta vie sans avoir une fille dans les pattes et qu’est-ce qui a changé maintenant ? » Il laissa échapper un léger soupire. Elle avait raison, ils le savaient tous les deux. Leandro était ce qu’il était, les responsabilités, ça n’avait jamais été son fort, s’il s’en sortait très bien au travail, ce n’était pas le cas dans le reste. « Qui est ma mère alors ? » Il baissa les yeux un court instant, hésitant pendant quelques secondes avant d’enfin trouver le courage de soutenir le regard de sa fille. « Petite amie de lycée. Elle est partie après ta naissance, je n’ai aucune idée d’où elle est partie. » Elle avait été abandonnée par sa mère, c’était le pompon. Qu’est-ce qu’elle avait fait au bon dieu pour mériter ça. Elle se hâta vers le bar pour se servir un grand verre de whisky qu’elle avala d’une traite, c’était trop pour elle, elle avait besoin d’un remontant. « J’arrive pas à croire que vous ayez pu me faire ça. » Elle leva les yeux au ciel avant d’attraper son gilet posé sur le dossier d’une chaise. « Où est-ce que tu vas ? » Elle soupira avant de partir à grand pas vers la porte. « J’ai entendu dire qu’il y avait une super soirée à la fac. » Sans rien ajouter, elle claqua la porte, s’enfuyant le plus rapidement possible de l’immense maison des Castellanos, elle en avait besoin. Elle serait mieux n’importe où ailleurs.